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Journée mondiale des pauvres : la liturgie, une école d'accueil

Journée mondiale des pauvres : la liturgie, une école d'accueil

Publié le dans Se former

Le pape François a institué cette Journée mondiale annuelle en 2016 dans sa lettre apostolique Misericordia et misera publiée à la fin du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde. Depuis chaque année, il invite dans un message très enraciné dans l’Écriture à saisir l’occasion de cette Journée – qui coïncide en France avec la Journée nationale du Secours catholique -, pour prendre ou reprendre conscience de la présence des pauvres dans nos villes et nos communautés, à prier pour eux et même si possible à prier ensemble avec eux, avec humilité et confiance.

Le titre du message publié pour la première édition, en 2017, était sans équivoque : « N’aimons pas en paroles, mais par des actes » (1 Jn 3,18). Depuis, chaque journée apporte une interpellation spécifique : en 2018, « Un pauvre crie, le Seigneur entend. » (Ps 33, 7) ; en 2019 « Le pauvre n’est pas oublié jusqu’à la fin, l’espérance des malheureux ne périt pas à jamais » (Ps 9, 19) ; en 2020, « Tends ta main au pauvre » (Si 7, 32) ; en 2021, « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mc 14, 7) ; en 2022, « Jésus-Christ […] s’est fait pauvre à cause de vous » (cf. 2 Co 8, 9) ; en 2023, « Ne détourne ton visage d’aucun pauvre » (Tb 4, 7). Le thème proposé pour la huitième édition s’intitule donc : « La prière des pauvres s’élève jusqu’à Dieu » (cf. Sir 21,5).
Au terme du Jubilé de la Miséricorde, j’ai voulu offrir à l’Église la Journée Mondiale des Pauvres, signe concret de la charité du Christ pour ceux qui sont le plus dans le besoin. Aux autres Journées mondiales instituées par mes Prédécesseurs, s’ajoute celle-ci.
– Extrait du message du pape François pour la première Journée mondiale des pauvres (19 novembre 2017).

Cette Journée mondiale nous rappelle donc que la rencontre et le partage avec les pauvres sont en effet le « test » de l’authenticité de la vie chrétienne, c’estàdire aussi de notre prière. Aux yeux du pape, elle incite en conséquence à vérifier nos manières de vivre la liturgie. Or on peut soutenir que, vécue dans la « pauvreté du cœur », la liturgie a le potentiel d’enraciner en Dieu une authentique attitude d’accueil.

Pas de vie liturgique sans souci des plus faibles, pas de charité sans prière


On peut reprendre à cet égard le message de 2017. Le pape François y écrit : « si nous voulons rencontrer réellement le Christ, il est nécessaire que nous touchions son corps dans le corps des pauvres couvert de plaies, comme réponse à la communion sacramentelle reçue dans l’Eucharistie. Le Corps du Christ, rompu dans la liturgie sacrée, se laisse retrouver, par la charité partagée, dans les visages et dans les personnes des frères et des sœurs les plus faibles. Toujours actuelles, résonnent les paroles du saint évêque Chrysostome : “Si vous voulez honorer le corps du Christ, ne le méprisez pas lorsqu’il est nu ; n’honorez pas le Christ eucharistique avec des ornements de soie, tandis qu’à l’extérieur du temple vous négligez cet autre Christ qui souffre du froid et de la nudité” ». Pas de rencontre authentique du Christ dans la liturgie sans le retrouver dans les pauvres !

Mais la charité s’essouffle quand elle se laisse réduire à un acte humanitaire. Comme Benoît XVI avant lui, le pape François redit l’importance de la prière. S’il pousse les communautés à inventer des moments de partage et d’amitié au cours de la semaine qui précède la Journée mondiale, il leur suggère d’inviter ensuite « les pauvres et les volontaires à participer ensemble à l’Eucharistie de ce dimanche, en sorte que la célébration de la Solennité du Christ Roi de l’univers se révèle encore plus authentique, le dimanche suivant ».

On lit plus loin : « À la base des nombreuses initiatives qui peuvent se réaliser lors de cette Journée, qu’il y ait toujours la prière ! ». Or, non seulement la liturgie enracine la charité dans la foi, mais il semble qu’elle puisse exercer en nous le réflexe d’accueillir.

Quand on se laisse former par elle, la liturgie rend peu à peu plus « accueillants »
La liturgie forme le sens de l’accueil d’abord en incitant à redonner priorité à Dieu :

Le chant d’entrée puis la salutation liturgique nous aident à réaliser que nous étions attendus ; d’ailleurs avec d’autres : non pas « le Seigneur soit avec toi » mais « avec vous »! Accueillir la célébration comme un rendez–vous fixé par un autre, au-delà de nos propres désirs ou habitudes, fait percevoir que d’autres sont en retard ou manquent faisant perdre à l’assemblée sa « catholicité ». Comment s’organiser pour leur permettre d’être là, comment faire pour que chacun se sente accueilli, etc. ?
La liturgie de la Parole fait expérimenter que, pour devenir une rencontre, le rendez-vous doit commencer par l’écoute du Christ réellement présent, « car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures » (Vatican II, Sacrosanctum concilium 7). Il faut que tous tendent l’oreille et que certains y aident : ceux qui ont préparé le lectionnaire ou réglé le volume du micro, les lecteurs, le prédicateur. L’écoute humble et ces services exercent à d’autres écoutes…
L’écoute s’élargit dans l’accueil du sacrement : « Prenez, buvez ». Nous répondrons plus tard : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir ». Même notre présence ne donne aucun « droit » ! La liturgie rappelle de toutes façons que ce projet gratuit dépasse ceux qui sont déjà là : pas seulement « Heureux sommes-nous… » mais « Heureux les invités au repas du Seigneur ». Nous voilà obligés de penser à ceux qui restent à l’écart parce qu’ils doutent d’être dignes matériellement, socialement ou spirituellement de l’invitation…
Sans attendre, la liturgie inscrit en nous la « mémoire vive » de ces plus petits à accueillir :

Le pape François rappelle que « le Notre Père est la prière des pauvres. La demande du pain, en effet, exprime la confiance en Dieu pour les besoins primaires de notre vie. Ce que Jésus nous a enseigné par cette prière exprime et recueille le cri de celui qui souffre de la précarité de l’existence et du manque du nécessaire. Aux disciples qui demandaient à Jésus de leur apprendre à prier, il a répondu par les paroles des pauvres qui s’adressent au Père unique dans lequel tous se reconnaissent comme frères ».
On doit noter que « le Notre Père est une prière qui s’exprime au pluriel : le pain demandé est ‘‘notre », et cela comporte partage, participation et responsabilité commune. Dans cette prière, nous reconnaissons tous l’exigence de surmonter toute forme d’égoïsme pour accéder à la joie de l’accueil réciproque ».
Vécue comme un geste liturgique, la quête donne un premier signe de notre désir de vivre une solidarité concrète. En la remplaçant parfois par une quête « impérée » ou « recommandée » – c’est-à-dire prescrite par l’évêque pour une cause dépassant la seule réalité paroissiale, comme la quête du Secours catholique ce 19 novembre dans beaucoup de diocèses -, la liturgie rappelle que la solidarité ne saurait se limiter à ses seuls proches.
Vécue dans la « noble simplicité » encouragée par le Concile (Sacrosanctum concilium 34), la liturgie fait ainsi expérimenter une « pauvreté du cœur » qui peut renforcer notre sens de l’accueil de Dieu mais aussi des autres. Puisse la célébration du 15 novembre nous aider à mieux voir que « les pauvres ne sont pas un problème : ils sont une ressource où il faut puiser pour accueillir et vivre l’essence de l’Évangile ».

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